L’émergence en musique : dialogue des sciences

Appel à communication

Colloque international interdisciplinaire

9 10 11 mai 2016

ARGUMENT DU COLLOQUE

Si le terme d’émergence est attesté dans ses déclinaisons (verbe et adjectif) dès le XVe siècle en France, son usage philosophique est introduit à la fin du XIXe siècle pour désigner des effets qui ne procèdent pas mécaniquement de leurs causes. J. S. Mills désignait déjà dans son Système de logique déductive et inductive (1843) deux phénomènes distincts permettant d’appréhender la nature : ceux dont les effets résultent de la somme des causes et ceux dont il en va autrement. En effet, dans certains systèmes complexes, des propriétés radicalement nouvelles apparaissent de façon inattendue et caractérisent un niveau d’organisation d’ordre supérieur. Ces propriétés dites

« émergentes » ne se retrouvent dans aucune des parties prises séparément, mais résultent d’un effet de l’ensemble du système. Après 1875 (G.H. Lewes), le terme connaîtra un succès croissant dans le domaine des sciences de la vie et de la pensée (La théorie de la synthèse émergente, Morgan, 1925).

Dans les années 1970, les chercheurs en sciences cognitives reprirent cet étendard en prenant parti contre le réductionnisme : ils démontrent que les propriétés de la conscience ne sont pas réductibles à une simple somme de mécanismes primaires, mais relèvent de phénomènes émergents. La notion d’émergence rejoint aujourd’hui d’autres champs d’études, concernant aussi bien les sciences dures que les sciences de la vie et les sciences humaines et sociales. Dans l’évolution récente du domaine des connaissances apparaît un champ de dénominations où le concept d’émergence entre en résonance avec des théories et des notions telles que la systémique, l’auto-organisation, la théorie des catastrophes, les fractales, les théories du chaos et de la complexité, la théorie des systèmes dynamiques non-linéaires, l’énaction, l’auto-poïèse, la théorie des niveaux…

La découverte de phénomènes émergents dans différents domaines scientifiques a favorisé des liens transdisciplinaires, sans pour autant créer une nouvelle discipline à part entière. Pour de nombreux chercheurs, la reconnaissance des phénomènes émergents entraîne une meilleure compréhension du réel dans sa complexité.

La référence à cette notion est moins fréquente dans les discours de la théorie musicale bien qu’elle se manifeste clairement dans les travaux de H. Vaggione, M. Solomos, A. Soulez, G. Drouin, N. Darbon… Pourtant, les phénomènes émergents semblent bien être des principes actifs de la pensée musicale contemporaine dans laquelle le timbre — qui est bien plus qu’une simple addition de sonorités élémentaires — joue un rôle essentiel. Il semble donc que la théorie musicale et esthétique soit en retard sur les sciences et que des travaux centrés sur ces questions s’imposent désormais.

Pour y parvenir, il faut se pencher sur différents aspects de l’émergence, au sens général et dans les situations musicales particulières.

Une « propriété émergente » se distingue généralement par trois caractéristiques fondamentales : nouveauté, irréductibilité et non-prédictibilité. La première renvoie au fait qu’une ou plusieurs propriétés apparaissent au sein d’un système, propriétés qui n’étaient pas présentes avant le phénomène d’émergence ; elle fait donc figure d’événement dans l’évolution du système.

La deuxième était contenue en germe dans la proposition d’Aristote (Métaphysique) : « Le tout est plus que la somme de ses parties ». Une propriété émergente ne se réduit donc pas à la somme des propriétés de ses parties. La troisième est aussi significative : on ne peut prévoir en détail le phénomène ou le moment de son intervention.

THEMES ENVISAGES

Dans le cadre de ce colloque, nous proposons de nous interroger sur le phénomène d’émergence en relation avec les sciences et avec la musique. La liste ci-dessous des thèmes envisagés n’est qu’indicative :

  1. Emergence et sciences
    • Comment l’émergence se manifeste-t-elle dans les sciences ?
    • Les définitions disciplinaires de la notion d’émergence ne se recouvrent pas forcément complètement. Quelle idée générale recouvre cette diversité ? Y a-t-il des convergences ?
    • L’émergence est-elle reproductible ?
    • La non prédictibilité de l’émergence demande plusieurs nuances : l’imprédictibilité n’est- elle que temporelle ou se situe-t-elle aussi au niveau des résultats ?
    • Comment et à quelles conditions cette imprédictibilité peut-elle contribuer à créer de la richesse organisationnelle au lieu de n’être qu’un facteur de désorganisation ?
  1. Emergence et musique
    • Dans quelle mesure l’émergence dans les sciences peut-elle éclairer l’émergence en musique ?
    • D’où proviennent les qualités émergentes de la musique ?
    • Y a-t-il des lois générales de l’émergence musicale ?
    • Quel est le contenu opératoire des propriétés émergentes dans la pensée musicale, celle du compositeur ou du récepteur ?
    • L’auto-organisation, qui s’inspire des modèles vivants, est-elle une signature de l’émergence en musique ?
    • Comment l’émergence se caractérise-t-elle au niveau de la forme (micro, méso, macro) ?
    • Qu’est-ce que l’émergence au niveau de « l’aperception musicale » ?

La situation actuelle justifie une réflexion théorique interdisciplinaire pour mettre en valeur la notion d’émergence dans le domaine de la création musicale. Cette réflexion sur l’émergence sera conjointement menée par les laboratoires de l’Université de Paris-Est (LISAA, LVMT), de l’Université de Versailles-St-Quentin-en-Yvelines (CHCSC), de l’Université Paris I /CNRS (ACTE) avec la collaboration de l’Université de Paris-Sud (LIMSI), l’Université de Paris- Sorbonne/BNF/CNRS (IReMUs), l’Université de Paris 8 (LUTIN) et l’Université de Rouen (GRHis).

SOUMISSION DES PROPOSITIONS

Les propositions des communications et des articles définitifs peuvent être soumis en français ou en anglais. Elles sont à envoyer à l’adresse suivante : emergence.colloquium@gmail.com

Consignes pour les auteurs-communicants :

Chaque proposition fera entre 3000 et 6000 signes (espaces compris) précisant le thème dans lequel la communication s’inscrit. Ce résumé inclura une présentation du contexte, de la problématique théorique et de la démarche méthodologique, ainsi que les informations suivantes : trois mots clés ; nom et prénom des auteurs ; statut et institution ; adresse électronique.

Les articles dans leurs versions définitives feront l’objet d’une publication collective.

DATES IMPORTANTES

Réception des propositions : 15 janvier 2016

Acceptation des propositions : 15 février 2016

COMITE D’ORGANISATION ET COMITE SCIENTIFIQUE DU COLLOQUE

Comité d’organisation :

Xavier Hautbois, Martin Laliberté, Lenka Stransky, Vaclav Stransky

Comité scientifique :

Christophe d’Alessandro – Directeur de Recherche, CNRS /Université de Paris-Sud

Pierre-Albert Castanet – Professeur, Université de Rouen

Sylvie Catellin – Maître de conférences, Université de Versailles-St-Quentin-en-Yvelines

Jean-Marc Chouvel – Professeur, Université de Reims

Geoffroy Drouin – Docteur de l’EHESS en musicologie, compositeur

Gianni Giardino – Maître de conférences, Université de Versailles-St-Quentin-en-Yvelines Xavier Hautbois – Maître de conférences, Université de Versailles-St-Quentin-en-Yvelines Martin Laliberté – Professeur, Université de Paris-Est

Philippe Lalitte – Maître de conférences, Université de Bourgogne

Olga Kisseleva, Maître de conférences, Université Paris I

Gérard Pelé – Professeur, ENS Louis-Lumière, Institut Acte, Université Paris I et CNRS Matthieu Sourdeval – Maître de conférences, Université de Versailles-St-Quentin-en-Yvelines Makis Solomos – Professeur, Université de Paris 8

Lenka Stransky – Chercheur associé, Institut Acte, Université Paris I et CNRS

Vaclav Stransky – Maître de conférences, Université de Paris-Est

Charles Tijus – Directeur de Recherche, Université de Paris 8

lieux:

Château de Plaisir, le CRC dans le cadre du festival aCROSS

et à

l’Université de Versailles-St-Quentin-en-Yvelines

Organisé par

le laboratoire Littératures Savoir et Arts

EA4120, Université de Paris-Est

le Laboratoire Ville Mobilité Transport

UMR T 9403, Ecole des Ponts ParisTech / UPEM / IFSTTAR

le Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines

UMR 2448, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines/ UPSay

l’Institut Acte

UMR 8218 et 8223, Université Paris I et CNRS

en coopération avec

l’Institut de Recherche en Musicologie

UMR 8223, Université de Paris-Sorbonne / BnF / CNRS

le laboratoire des Usage en Technologie d’Information Numérique

Label FED 4246, Cité des sciences et de l’industrie

le Laboratoire d’Informatique pour la Mécanique et les Sciences de l’Ingénieur

UPR3251, Université de Paris-Sud/UPsay