Fragments de pensées (suite au colloque « En chair et en son »)
Texte écrit par Luc Larmor, octobre 2015.
Je suis reparti dans mon atelier, nourri d’analyses rigoureuses et de pistes de réflexion éclairantes. Le colloque fut pour moi très riche, une belle ouverture. Fort de ces enseignements, je me propose dans ce court texte, de donner succinctement mon point de vue de musicien, sur l’enjeu du colloque. Un enjeu résumé dans l’éditorial du programme par cette proposition de Frédéric Mathevet : Faire se rencontrer la musique acousmatique et la danse butô, « c’est en quelque sorte l’auscultation d’un ma, c’est-à-dire d’une distance qui unit ». Brièvement et à la lumière des débats, je me propose d’apporter un simple élément de réponse à l’unique question suivante : Où se situe la nécessaire distance qui sépare les deux disciplines et qui, loin d’être un fossé infranchissable, peut être pleinement considérée comme une hypothèse de rencontre artistique ?
Lors des échanges, nous avons entrevu une chose fondamentale, quelque chose que nous avons également ressenti et éprouvé à l’occasion du festival. Cette distance doit demeurer scrupuleusement intacte, comme une condition irréductible, un donné de l’expérience artistique. Une distance, non pas à assujettir ou résoudre, mais à pratiquer.
Il existe, dans les deux disciplines, la « même » volonté de rejeter toute codification formelle excessive, de mettre en œuvre, non pas quelque chose de l’ordre d’une esthétique, mais de l’ordre, directement, d’un phénomène. « Mon corps, ce n’est pas moi », pourrait dire le danseur butô. Le son est le résultat d’une écoute réduite pour le musicien se revendiquant d’une pratique acousmatique de la musique. Tous les deux tendent à rejoindre un phénomène « pur ». Un phénomène brut, qui se livre sans a priori, comme une expérience. Dans un cas comme dans l’autre, le même désir de préserver la matérialité des choses en chassant l’idée de représentation, en évitant la désignation.
The Post-industrial Condition: The Work of Early Fluxus Artists as a Response to Late Capitalism.
article rédigé par John Aulich : http://www.johnaulich.co.uk/
In a 1993 interview, Nam June Paik (Wijers, 1993, p. 9) stated that ‘In a nomadic, post-industrial time we are more experience-oriented than possession–oriented’. Essentially, Paik was positioning Fluxus as a manifestation of changing attitudes towards the function of art and artists among its adherents in the wake of economical and societal transformation from industrial to post-industrial models. Although Fluxus was a loose, international movement spanning multiple decades (Smith, 1998, pp. 14-32), for the sake of understanding the motivations of Fluxus members in relation to Paik’s statement, the scope of this essay is limited to the rough time and location of its conception. The varying ideological strands from which Fluxus artists developed their output, including the concept of ‘experience-oriented’ art, are perhaps best understood as part of, and/or in reaction to the emergence of what Paik refers to as a ‘nomadic, post-industrial society’. In particular, the experiential elements and wider implications of the work and discourse of George Maciunas, George Brecht and Alison Knowles can be explored in the light of their societal and economic context.
As first hypothesized by Inglehart in 1977, and summarized by Wright (1978, p. 270-273), the economies of America and Europe can be characterized as the result of a slow shift in values from materialist to post-materialist. A ‘satiation of basic material needs’ (Wright, 1978, p. 270) led to the prioritization and, subsequently, the increased commodification and value, of creative and intellectual ideas at the expense of economic and physical security among the educated middle classes. This aspect of post-industrialist society is linked to art-as-commodity; that which is frequently exchanged and accrues value among collectors, critics and galleries according to the status it has been given by market forces (Gimpel, 2000, p. 51).
Lushetich (2011, p. 73) theorizes that artists recognizing ‘the need to get away from… art that privileges aloof spectatorship’ associated the divorce between experience and meaning ‘common to work characteristic of the Fordist era’ with commodity fetishism (in this context, a distancing between artist, as producer, and audience, as consumer). Fluxus, and to varying extents, Experimentalism, Pop Art, and Happenings, movements with which it shared symbiotic relationships, (Higgins, 2002, p. 163) were partially provoked by a move ‘against the artificial separation of producer or performer, of generator and spectator’ (Maciunas, 1962, cited in Hendricks, 1988, p. 23). Lire la suite →
Noise#La Cosa Preziosa#The edge of the world
the edge of the world. from La Cosa Preziosa on Vimeo.
1 Comment décririez-vous ce bruit ?
Tubular resonance, field recorded on location.
2 Le bruit est-il une notion pertinente dans votre travail sonore ou musical ? Pourquoi ?
Yes- as part of my artistic practice I am committed to finding the beautiful (the ‘precious’) in the sounds of the everyday- which often include sounds we dismiss as ‘noises’.
3 Pensez-vous que l’avenir de la musique se trouve dans les bruits ?
I am not sure, but certainly since Luigi Russolo via John Cage we are increasingly tuning into the musical qualities of noises and sounds that are not intrinsically ‘musical’ or necessarily pleasant at first listen.
La Cosa Preziosa is a sound artist and field recordist originally from the south of Italy but based in Dublin, Ireland. Her work focuses on the composition of creative soundscapes (from storytelling to the abstract) using her own field recorded material.
Architecture et Musique : Espace-Sons-Sociétés
Entre 1983 et 1985, Iégor Reznikoff et Michel Dauvois parcourent les grottes d’Ariège d’une manière bien originale. Ils étudient les fréquences de résonance des cavités, déambulent en chantant, repèrent les espaces les plus réverbérants, établissent une cartographie sonore des grottes puis la superposent à celle des fresques. Apparait une très forte correspondance entre les espaces de résonance et l’emplacement des éléments picturaux. Iégor Reznikoff et Michel Dauvois proposent une nouvelle discipline qui consisterait à re-découvrir les grottes du paléolithique, par le biais du son…1
Cette découverte ouvre bien des perspectives de recherche encore inaperçues. Elle nous démontre que les tribus du paléolithique étaient sensibles à l’espace sonore, que cet espace sonore a contribué à développer un imaginaire, un langage musical, pictural. Cette découverte a une autre conséquence, elle nous rappelle que notre perception de l’espace et du sonore n’est pas uniquement la résultante d’un schéma culturel, éducatif, mais qu’elle est également ancrée dans un schéma inconscient, primitif, un schéma qui dirige notre définition de la notion même d’ « environnement ».
Nous pourrions avancer qu’aujourd’hui nous modelons nos propre cavernes et que leurs résonances ont, à leur tour, un impact sur la manière dont nous percevons le monde. Nos outils de langage (notamment musicaux) sont en partie modelés par les caractéristiques sonores de nos cavernes. Ce cheminement peut être conscient ou non. Nous modelons des espaces architecturaux en maîtrisant plus ou moins bien leur futures résonances, puis nous jouons/vivons avec/dans ces espaces. Il n’est pas seulement question de musique, mais aussi d’ergonomie, d’ambiance, de confort. Les tentatives d’adéquation entre architecture, musique et son aboutissent souvent à des formes originales, faisant intervenir des savoir-faire, des langages et des imaginaires pluridisciplinaires. Cet ouvrage, introductif à une collection, n’a donc pas la prétention d’être exhaustif sur le sujet des relations entre architecture et musique mais présente des approches contrastées, des pratiques et des champs de connaissance variés.
Le choix des articles, de ses auteurs (architectes, musiciens, artistes plasticiens, chercheurs, historiens, responsables de structures) est donc délibérément transdisciplinaire, laissant place à des approches différentes afin d’enrichir et de susciter de nouvelles réflexions.
Noise # Captations sonores du colloque
Le colloque « Bruits » s’est tenu les 4 et 5 décembre 2014 à l’École Nationale Supérieure Louis-Lumière, à la Cité du Cinéma, à Saint-Denis, et a donné lieu à des conférences, des performances, des installations, des diffusions de vidéo, ainsi que des concerts aux Instants Chavirés (à Montreuil). Ces albums sont composés des captations sonores des seules conférences du colloque.
Tous les crédits appartiennent aux conférenciers. Si vous souhaitez vous servir d’une quelconque manière de ces captations, merci de contacter directement les auteurs ou L’Autre musique : contact(at)lautremusique(dot)net
Captation vidéo et sonore : Séverine Grange, assistée de Marie-Angélique Mennecier (étudiante troisième année ENS Louis-Lumière).
Le colloque a été organisé par l’Institut ACTE (Sorbonne Paris 1 & CNRS) et par l’ENS Louis-Lumière, avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Région Île-de-France.
L’organisation a demandé beaucoup de travail et a demandé l’investissement de nombreuses personnes, pour qu’artistes et conférenciers puissent intervenir et nous présenter leurs œuvres, performances et travaux de recherche. C’est cela qui était visible, et c’est ce que l’équipe d’organisation souhaitait, mais il ne faut pas oublier que pour que les intervenants puissent faire du bruit, il fallait qu’ils puissent s’appuyer sur un « bruit de fond » solide. Voici donc, ci-dessous, une liste que nous espérons exhaustive (mais qui peut être complétée, probablement…), des personnes ayant participé à l’organisation du colloque.
Comité scientifique : François J. Bonnet, Frédéric Mathevet, Célio Paillard, Gérard L. Pelé, Matthieu Saladin, Hélène Singer, Lenka Stransky.
Coordination : Isabelle Gueneau, Yuriko Hirohata, Gérard L. Pelé, Célio Paillard, Hélène Singer, Lenka Stransky.
Communication : Frédéric Mathevet, Célio Paillard, Mehdi Aït-Kacimi.
Gestion financière : Isabelle Gueneau, Yuriko Hirohata, Matinou Moussa.
Coordination logistique : Alexandrina Gonçalves.
Accueil et logistique : Rolanette Cyrille, Martine Duvert, Aline Emboulé, Annie Jovenet, Roselmy K’Bidi, Fabrice Loussert, Marc Pradelle, Judith Rato.
Gestion technique des conférences et projections : Laurent Stehlin, assisté de Paul Payen de la Garanderie*.
Définition technique des installations et performances : Alan Blum, Thierry Coduys, Mohammed Elliq, Frank Gillardeaux, Laurent Millot, Jean Rouchouse, Pascal Spitz, Éric Urbain.
Gestion du matériel technique : Taieb Keraoun, Didier Nové, Ava du Parc, Philippe Simonet, Pierre Vormeringer.
Réalisations des installations et performances :
Clément Cerles* (installation de Clémentine Beaugrand) ;
Pierre Chailloleau*, Florent Denizot*, François Salmon* et Adrien Soulier* (performance de Frédéric Mathevet) ;
Léo Grislin* (performance d’Hélène Singer) ;
Nicolas Lagarenne*, (installation de Philippe Jubard) ;
Adrien Llave* (installation de Célio Paillard) ;
Charles Meyer* (installation de Célio Paillard, installation de Fredrick Bjernelind) ;
Éléonore Mallo* (performance d’Hélène Singer, installation de pali meursault) ;
Thomas Wargny* (performance de Marc Bretillot, performance d’Alicia G. Hierro & Elena Blazquez).
Captation vidéo : Séverine Grange, assistée de Marie-Angélique Mennecier*.
Photographies : Séverine Grange – Richard Dell’aiera.
Compte rendu du colloque : Marie Willaime (revue Volume!).
Remerciements : Francine Lévy, Richard Conte, Pascale Bourrat-Housni, Zahia Zaidat, Michel Coteret, Noëlle Blanc, Jean-François Pichard et les Instants Chavirés.
*Étudiants de seconde et troisième année en spécialité « son » de l’ENS Louis-Lumière.
Noise#Benjamin O’Brien#along the eaves
1. How would you describe this « noise »?
When I think about noise, I immediately turn to Claude Shannon. Shannon, of course, was speaking about noise in terms of communication, where a sender has an idea or thought she wishes to share with a receiver and noise is anything that “perturbs” a signal “during the transmission” (Shannon, “A Mathematical Theory of Communication,” 1948, p. 19). Music, however, is not necessarily a communicative act, but definitely a creative one. So, relative to music, I describe noise as the modulation of form, where listeners are capable of hearing and identifying changes to a known sound’s form.
For example, in his Réveil des oiseaux (1953), Messiaen transcribes a wren’s song and uses his transcription to order the notes of a xylophone. Capable and willing listeners may hear and identify a change to their perception of a xylophone, as it now sounds birdlike. Similarly, they may now (and forever) hear a bird as being musical. Thus, this noise changes the patterns we associate with a particular sound. With these examples in mind, we can say that noise relates to both the transmission of an idea or thought and the context in which the transmission is made.
2. The noise is there a relevant concept in your sound or musical work? Why?
Noise#Giorgiana Violante#Fear’s Heart beat
« Never fight fear head-on. That rot about pulling yourself together, and the harder you pull the worst it gets. Let it in and look at it. What shape is it? What colour? Let it wash through you. Move back and hang on. Pretend it isn’t there. Get trivial.”
(William Burroughs, The Western Lands.)
People use noise to comfort themselves.
Hence mantras.
Hence religion.
People use fear to protect themselves against fear. They make light of it. The internal noise of fear can be ridiculed, cheapened and played with by reducing it to a semi humorous grotesque.
This was my intention in this piece.
site: ici
COMPOSER AVEC LES TECHNOLOGIES
Si le passage au numérique est d’abord, comme son nom l’indique, une affaire de nombres (et de calcul), une des conséquences les plus prégnantes de son utilisation à grande échelle a été le glissement conceptuel des techniques vers les technologies. Car, pour synthétiser les nouveaux outils numériques, il fallait d’abord connaître les modèles antérieurs (analogiques) et, pour cela, développer une « science des techniques » (sens étymologique de « technologie »). Celle-ci, au lieu de servir une ambition pédagogique et humaniste, comme le préconisait Simondon (1958), conduisit à la constitution d’un répertoire de techniques et de leurs modes d’emploi, qui a été traduit en chiffres et en algorithmes.
En réglant les usages recommandés des techniques, en fixant leur enchaînement, en automatisant ces processus et en les réalisant quasi instantanément grâce à la puissance des ordinateurs, les technologies numériques ont condensé des opérations multiples et complexes en des actes élémentaires. Mais ces raccourcis conceptuels ont également entraîné un abandon de la dimension heuristique des technologies, au point qu’on se trouve souvent confronté à « des objets fermés, dont l’intérieur est miniaturisé, dont on ne sait plus très bien où ils commencent et où ils finissent et dans lesquels il est bien difficile de discerner « les schèmes de fonctionnement compris dans ces objets techniques » (Simondon) » (Deforge, 2001, 301).
C’est là toute l’ambivalence des technologies qui, en facilitant certaines activités ou en ouvrant de nouvelles, contraignent simultanément leurs usages par des préconisations d’emploi souvent extrêmement rigides. C’est pourquoi on peut s’interroger, non pas sur le plaisir qu’elles procurent (ce sentiment « agréable et plaisant[1] » étant trop subjectif pour être systématisé), mais plutôt sur ses conditions de possibilité dans un cadre préétabli. Car que reste-t-il de notre « bon plaisir » lorsque celui-ci doit se déployer à travers des règles du jeu explicites et impératives ? Au-delà de la satisfaction de désirs ou de besoins suscités par les technologies, comment sortir d’un rapport de consommation et développer une démarche plus libre, plus créative, source de plaisirs renouvelés ? Ou encore, comment s’approprier des outils en les dégageant du système de pensée dans lequel ils s’inscrivent, pour prendre des libertés avec eux et du plaisir dans leur usage ?
Cet article s’intéresse principalement aux pratiques numériques inscrites dans le champ de l’art, de la genèse à la diffusion des œuvres et à leur interprétation. Et, pour enrichir la recherche et proposer d’autres modèles d’analyse des processus à l’œuvre dans les arts numériques, il convoque également des exemples et des concepts associés aux arts plastiques et surtout à la musique.
Ouvrir les technologies
La quête moderne d’une définition de l’art a également été celle de ses contraintes – de celles qu’il fallait refuser, car lui étant imposées de l’extérieur, par les normes bourgeoises[2], et de celles qui méritaient d’être exploitées, car lui étant consubstantielles, conséquences des matériaux employés et de leur mise en œuvre. Cela entraîna une déconstruction des pratiques, qui s’accompagna d’une remise en cause des réquisits techniques (bien savoir peindre, par exemple). C’est ce que firent de nombreux musiciens, dont le rapport aux outils de composition s’apparente à celui qu’entretiennent les artistes et les nouvelles technologies. L’écriture musicale occidentale s’apparentait à une technologie en ce qu’elle a d’abord été une science des techniques (en formalisant et en légitimant des procédés musicaux) d’où ont été définies des qualités musicales et des méthodes de mise en œuvre, celles-ci formant finalement un système de connaissances opérationnelles, désignant les variables légitimes (pour composer) et surtout le cadre et des modes d’emploi contraignants. En effet, les codes de composition, appuyés sur des règles de solfège précises (harmonies, gammes, rythmes, etc.) systématisées par une notation quasi-standardisée, en même temps qu’ils facilitaient la diffusion des œuvres (par les interprètes et vers les auditeurs) entraînaient leur mise aux normes, en conformité, restreignant les formes possibles selon des conventions dont la dimension historique pouvait être niée au profit d’une évidence « naturelle[3] ».
Mais la complexité du système exigeait qu’il soit exploité et enseigné pour être correctement employé. Cela fournit à ceux qui l’étudiaient les moyens de le critiquer, de le dévoyer, voire de le remettre en question. Pour développer leur propre pratique, les compositeurs de musique contemporaine ont dû déconstruire les modèles existants, transgresser des traditions qui faisaient autorité. Ils ont cherché à remettre en cause, non seulement les gammes et les harmonies (école de Vienne, dodécaphonisme), mais encore le principe même de la tonalité et de la sélection de notes qui « sonnent » (sérialisme), voire les intervalles entre les notes (micro-tonalité), ou même le principe de distinction des notes (glissando, cluster), et finalement ce qui constitue un son (musique concrète), ce qui vaut pour composition, jusqu’aux rapports auparavant si hiérarchisés entre compositeurs, interprètes, techniciens, publics (dans les années 1960-70). Pour Dominique et Jean-Yves Bosseur (1999), les objectifs de ces Révolutions musicales ont d’abord été d’élargir le champ du musical, d’en proposer de nouvelles définitions, plus larges et plus ouvertes (mouvement moderne), puis d’inventer des formes plus libres, plus spécifiques, à partir de ce vocabulaire redéfini et riche de toutes les expériences passées (mouvement contemporain ou post-moderne).
La progression du processus d’émancipation de la musique contemporaine vis-à-vis des codes de composition apparaît à travers l’évolution de sa notation. Car la synthèse obtenue à la Renaissance (les partitions « classiques » faites des portées sur lesquelles sont placées des notes de différentes hauteurs et durées, ainsi que d’autres signes explicitant la composition et en orientant l’interprétation) s’est avérée inadaptée, dès lors que les compositeurs ont souhaité intégrer de nouveaux instruments non mélodiques (concert bruitiste futuriste), ou des formats temporels nouveaux (sans indication de rythme, par exemple). Les limites de la notation classique rendaient manifestes celles de la tradition musicale, toute transgression de celle-ci entraînant la transformation de celle-là, l’invention de nouvelles écritures pour aider à construire et à transmettre de nouvelles créations. Les lignes de portée ont été enrichies de commentaires, voire de nouveaux signes plus ou moins explicites. Elles ont été agencées différemment, complétées par des dessins, remplacées par de simples consignes écrites, au point que certaines partitions n’entretiennent plus aucun rapport avec les formes de notation traditionnelles, soit qu’elles adoptent une symbolique originale, soit qu’elles se dispensent totalement de codes (les partitions graphiques de Cage, Cardew, Kagel…[4]).
Au-delà des nécessités pratiques, l’élaboration de partitions spécifiques signifie et produit un rapport différent à la musique, « ouvrant » les codes de composition et dé-jouant leurs sous-entendus, éclairant les rôles et fonctions des compositeurs et interprètes. Elles exposent les démarches plus conceptuelles que formelles des compositeurs, dont les œuvres ne s’inscrivent pas dans un contexte préexistant, mais en composent un, en s’appropriant les connaissances pratiques partagées des processus de création et de jeu. Mieux, pour les jouer, les interprètes doivent comprendre les intentions du compositeur et les rapporter à leur pratique pour pouvoir formaliser l’œuvre. Ils sont ainsi amenés à rejouer la démarche du compositeur. Cela s’oppose à la réduction technologique, puisque la codification est à définir avant de l’utiliser. En ce qui concerne les auditeurs ou amateurs non pratiquants qui ont accès aux partitions (lors de leur exposition ou d’une performance), s’ils ne disposent pas forcément de la culture pour les rapporter à une musique possible ou à celle qu’ils entendent, du moins peuvent-ils se projeter dans le processus de création et ainsi comprendre comment celui-ci est autant (sinon plus) affaire de petits arrangements que de grandes décisions.
Composer/décomposer
Le terme « arrangement » est à comprendre aussi bien dans son sens musical conventionnel, d’art de combiner des éléments sonores et de leur appliquer des traitements particuliers, que dans un sens plus général : il s’agit de « faire avec » les moyens dont on dispose et les contraintes qu’ils impliquent, de s’en arranger au mieux pour qu’elles deviennent des qualités de l’œuvre. L’artiste est un type de bricoleur (selon la définition qu’en fait Lévi-Strauss) qui, par l’expérience et en favorisant l’expérimentation, acquiert cette connaissance pratique de ses outils, qui le rend à même de les manipuler pour son propre intérêt et selon ses intentions. Cela vaut aussi dans le champ des arts plastiques et dans celui des arts numériques, et permet de renouveler l’approche de la composition, pour montrer à quel point celle-ci n’est pas acte de pure subjectivité, mais qu’elle s’inscrit dans un contexte avec lequel l’artiste est contraint de négocier. Le travail de composition artistique ne consiste pas seulement à emprunter des outils pour manipuler une matière préexistante. Il suppose un questionnement préalable et concomitant à la mise en œuvre.
C’est pourquoi celui qui utilise les technologies numériques doit « composer avec » elles : d’abord en faire l’apprentissage, puis en maîtriser le fonctionnement, comprendre les mécanismes qu’elles mettent en branle, les exploiter ainsi que leurs failles et erreurs, pour mener ensuite un projet personnel[5]. En portant leur attention sur des détails ou des accidents qui font les choses – « ce qui arrive », pour reprendre le titre d’une exposition organisée par Paul Virilio[6], les artistes questionnent les usages préconisés des outils et les sous-entendus qu’ils imposent. Ils s’intéressent plutôt à la « marge de gaspillage » (Teyssèdre, 1977), ce qui n’est pas économiquement viable, ce qui ne peut être exploité efficacement, ce qu’il faut d’abord déconstruire avant d’élaborer une nouvelle œuvre[7].
La composition s’accompagne souvent, avant, après, et parfois simultanément, d’une décomposition. Soit qu’il faille, pour créer, décomposer la matière existante, ce qui pourrait être dés-intégrer les technologies, c’est-à-dire faire l’inverse de « l’intégration » informatique[8]. Soit que toute création, à un moment ou à un autre, finisse par se décomposer, que son irréductible altérité soit progressivement absorbée dans un réseau de références, que, par sédimentation, elle enrichisse la culture existante et serve de terreau à de nouvelles œuvres. Car c’est bien là que la décomposition s’avère nécessaire : pour assurer la perpétuation des processus de création, parce que toute transgression l’est par rapport à une tradition qu’elle contribue ainsi à faire évoluer (de Duve, 1989), parce qu’il n’y a aucune œuvre totalement originale qui ne s’appuie sur des antécédents, tout en les investissant de nouveaux sens et intentions[9].
Cette décomposition est non seulement inévitable, mais nécessaire : il ne peut y avoir de composition originale (de création) à partir d’un système infaillible, fermé, car celui-ci serait totalement prévisible et ne pourrait être individué (Simondon, 1958). Il serait alors lui-même l’œuvre et ni les artistes, ni les spectateurs ne pourraient se l’approprier en l’informant. Toutefois, un tel système reste totalement théorique, puisque sa complexité même et le nécessaire jeu qu’il doit laisser entre ses composantes pour fonctionner ne peut manquer d’entraîner des résultats imprévisibles, susceptibles d’être interprétés.
Partitions/interprétations
Le terme « interprétation » est aussi bien invoqué dans le champ des arts plastiques que dans le domaine musical. Il est entendu qu’étant par nature ambiguës, les œuvres d’art sont interprétées (par les critiques ou par les spectateurs). Danto en fait d’ailleurs une qualité distinctive des œuvres d’art, qui les différencie des objets (non artistiques). Ce n’est que dans la mesure où elle est interprétée qu’une œuvre d’art accède à ce statut.
Pour autant, bien que rien ne l’empêche théoriquement, n’importe qui ne peut pas prétendre interpréter n’importe quoi comme œuvre. Seul un artiste en a le pouvoir (de Duve, 1989), dès lors qu’il inscrit sa démarche dans le Monde de l’art, celui-ci étant à la fois l’institution comme milieu (ou champ, avec ses acteurs, règles et cultures) et l’institution comme acte d’identification et de consécration, grâce à ce que Danto appelle « l’atmosphère d’une théorie artistique et d’un savoir concernant l’histoire de l’art » (1981, 205). Autrement dit, même s’il faut en général un contexte marqué pour reconnaître une œuvre d’art, ce n’est que parce qu’elle est interprétée qu’elle vaut comme telle : d’abord parce qu’elle l’a été par ceux qui l’ont rendue publique (l’artiste, l’organisateur de l’exposition…), ensuite parce qu’ainsi accessible, elle peut l’être par les spectateurs. Pour Danto, non seulement « l’interprétation est constituante » de l’œuvre, mais c’est une « procédure de transformation » (1981, 204).
Cette valeur active de l’interprétation est évidente dans le domaine musical. Lorsqu’il joue un morceau, l’interprète ne transpose pas machinalement et objectivement l’œuvre d’une forme virtuelle (la partition) à une forme actuelle (sonore). En effet, le compositeur ne pouvant préciser toutes ses intentions (il ne sait comment les indiquer et ne peut prévoir tous les détails de jeu), il arrive que l’interprète les comprenne et les traduise mal, qu’il fasse des erreurs de jeu, ou qu’il complète voire transforme certains aspects de la partition. Et pourtant, il est rare que des morceaux soient si mal joués ou si radicalement appropriés qu’ils ne soient pas reconnaissables (Goodman, 2005). L’interprète dispose d’une telle marge de manœuvre que nous distinguons et préférons souvent telle interprétation à telle autre, et que, parfois, nous la considérons également comme une œuvre[10].
On pourrait alors dire que l’œuvre musicale existe dans plusieurs configurations : en tant que morceau, composition, mélodie, construction rythmique, et en tant que forme sonore. On rejoint ici la dichotomie souvent évoquée à propos des arts numériques, entre virtuel et actuel : le premier s’apparentant à « l’idée de l’œuvre », ses intentions, ses partis pris théoriques et esthétique ; le second à sa forme sensible.
Exploré dès l’antiquité[11], le concept de virtuel a été remis au goût du jour dans les années 1980 pour interroger une des propriétés d’un art qui sera par la suite qualifié de « numérique ». Le sens étymologique du mot permettait de décrire l’originalité de la création numérique, envisagée d’abord comme possible avant même d’être effectuée. Edmond Couchot (1988) distinguait ainsi les images numériques des images « traditionnelles » en ce qu’elles seraient d’abord « en puissance » dans la mémoire de l’ordinateur avant d’être réalisées. Ce faisant, il signifiait l’importance du processus de leur apparition, en séparant leurs états virtuel et actuel. Mais, portant toute son attention sur le premier, dans sa capacité à être transformé en le second, il tendait (bien ce n’ait sans doute pas été dans son intention), à réduire celui-ci comme sa conséquence, rien de plus qu’une de ses actualisations possibles.
C’est ici que le couple partition/interprétation peut éclaircir la dynamique propre au rapport virtuel/actuel : tout d’abord en reconnaissant que l’actualisation (par l’interprétation) est en soi une démarche créative, certes issue de la partition, mais suffisamment libre pour donner lieu à des formes très différentes ; ensuite, en montrant que toutes les étapes ont des dimensions actuelles et virtuelles (la partition est à la fois œuvre dans sa forme sensible et promesse d’œuvres à jouer), qu’une actualisation n’en empêche pas d’autres, voire qu’elle peut en être à l’origine. L’œuvre est alors un prétexte à l’interprétation, aussi bien par l’interprète professionnel que par le spectateur amateur.
Comme l’expliquait Umberto Eco dans L’œuvre ouverte (1965), une œuvre n’est jamais finie que provisoirement, quand « c’est le regardeur qui fait le tableau » (Duchamp). Des artistes ont cherché à amplifier cette qualité, en imaginant des dispositifs participatifs (dans les années 1960) puis interactifs (surtout à partir des années 1990). Cette volonté d’accorder une place de choix aux spectateurs (rebaptisés « spect-acteurs » ou « auteurs-amont » par Couchot) a pourtant, me semble-t-il, contribué à les enfermer dans un rôle et à limiter leurs possibilités de plaisirs à ceux qui étaient prévus par l’auteur.
Car quel est l’espace de liberté laissé au spectateur, s’il ne peut qu’actualiser une œuvre existant déjà à l’état virtuel ; si sa seule manière d’en profiter est d’endosser son rôle de déclencheur d’une œuvre sinon incompréhensible voire invisible ; s’il ne peut que choisir parmi certains choix[12] ou si, malgré une interactivité d’ordre « génératif », il reste cantonné dans la logique de l’œuvre ? Comment s’épargner la préoccupation de l’autorité, qui conduit les artistes à chercher malgré tout à « faire œuvre » en en conservant l’attribution, et les spectateurs à subir cette autorité, notamment à travers une interactivité déceptive, qui leur font se sentir instrumentalisés par les œuvres ?
L’utilité du couple partition/interprétation est d’affirmer l’existence et la priorité de la partition, celle-ci engageant la démarche et la responsabilité de l’artiste et faisant œuvre en tant que telle, et de reconnaître non seulement la marge de manœuvre de l’interprète, mais encore ses possibilités de transgression, lorsqu’il opère des choix par delà les contraintes proposées par la partition, dans une forme de détournement qui s’origine néanmoins en elle – comme lorsqu’on s’amuse à tester les limites d’une œuvre interactive en essayant de la faire buguer.
La séparation instituée entre des œuvres différentes dans un même processus de création est la condition de l’appropriation de la partition et de ses réappropriations successives. N’est-ce pas ainsi que fonctionnent de nombreux jeux, de plateaux et surtout électroniques ? Ces derniers, notamment, proposent des univers complets (pour les meilleurs d’entre eux) dans lesquels les joueurs peuvent évoluer plus ou moins librement – ce qui fait le succès de la série GTA – et, après un apprentissage des règles en vigueur et des possibilités et limites du game play, développer des pratiques spécifiques, autorisées par le jeu mais cependant déviantes[13].
Pratiques de jeu
Ici se manifestent des plaisirs spécifiquement pratiques, qui s’enracinent dans les usages des technologies, qu’ils soient récréatifs ou à ambitions artistiques. Ils apparaissent avec la prise en main d’un outil, et se déploient par sa prise de possession, par delà même l’usage qui en était prévu (ou mieux, en faisant de l’usage prévu le sien propre). Ils découlent d’un acte d’émancipation, moins vis-à-vis de l’outil que vis-à-vis de ce (ceux) qui l’a (l’ont) conçu – ne pas se sentir cantonné au classique répertoire pour guitare, se balader dans un jeu vidéo plutôt que d’y tuer tout le monde, détourner des fonctions du logiciel et lui trouver des utilisations inédites ou insoupçonnées.
La référence à la musique peut ici encore être éclairante. Pour jouer d’un instrument, il est aussi bien possible d’en prendre un existant, pour le jouer tel qu’il a été conçu et accordé[14], ou pour l’accorder et s’accorder avec lui différemment ; que de transformer un objet en instrument, c’est-à-dire en exploitant certaines de ses qualités, qui ne l’étaient pas[15], pour un usage autre que celui pour lequel il a été conçu, mais pour lequel l’objet correspond (s’accorde), ce que nous savons d’expérience[16]. Il en va de même avec les technologies numériques, dès lors qu’on fait plier leurs usages à nos intentions ; mais, pour cela, il faut parvenir à se jouer des modes d’emploi prévus, n’en retenir que certains éléments, opérer des rapprochements avec d’autres techniques pour imaginer les usages alternatifs ou, mieux, repérer ces potentiels pendant l’utilisation normale[17].
Instrumentaliser les technologies, c’est donc renverser le rapport de servitude, ne plus suivre les usages préconisés mais les susciter, selon le bon plaisir du créateur, pour produire une œuvre originale, d’une facture personnelle (plutôt qu’il soit facile de reconnaître que cette image est « du Photoshop »). L’instrument est manipulé par l’instrumentiste – plutôt que l’inverse. C’est une occasion d’éprouver sa liberté d’action et, si cette liberté n’est pas donnée a priori, n’est-ce pas une source de satisfaction que de gagner ce pouvoir sur des technologies résistantes ? Le plaisir est alors d’autant plus fort qu’on parvient à les instrumentaliser (en faire ses instruments), à instaurer ses propres règles du jeu, qui l’emportent sur celles préétablies (souvent en se conjuguant avec elles).
Mais une telle manipulation n’est possible que si le système n’est pas totalement fermé. Ce n’est que parce qu’il y a du jeu (dans les systèmes musicaux, dans les technologies) qu’il est possible de se jouer des contraintes et, partant, de jouer selon des modalités qu’on établit soi-même. Le plaisir ludique naît ensuite de l’ensemble des possibilités qu’on a ouvertes (à partir de celles existantes) et des capacités qu’on a développées pour les exploiter. Certes, c’est un plaisir probablement plus long à obtenir, qui nécessite un apprentissage, mais c’est aussi un plaisir qui promet d’être inépuisable, puisque nous créons ses conditions d’apparition au fur et à mesure des sensations que nous ressentons. Ce plaisir du jeu est autant celui de jouer (composer) que de déjouer (décomposer), et de nous savoir en train de jouer en nous jouant du jeu[18]. Il se déploie dans l’ambivalence du terme jeu (en français), à la fois comme forme finie, œuvre élaborée dotée de qualités particulières pour produire un type d’expérience de jeu, et cette expérience même, l’action menée par le joueur, son jeu dans le jeu, issu du jeu, mais potentiellement extérieur au jeu (par exemple la dimension sociale des interactions entre joueurs).
Pour autant, il serait vain de chercher à dissocier des pratiques internes et externes au jeu et de leur attribuer des potentiels de plaisir spécifiques : le plaisir est avant tout celui de la pratique du jeu, et c’est précisément en tant que pratique que le jeu peut procurer du plaisir. Il se manifeste lors du jeu, il est entretenu par le jeu et, lorsque la pratique est suffisamment assurée, il arrive même qu’on jouisse de cette sensation pendant le jeu, c’est-à-dire qu’on constate qu’on prend du plaisir (ce qui accroît le plaisir) sans pour autant risquer d’en tarir la source. Pour reprendre le fil des exemples déjà cités, nous ressentons du plaisir lorsque, à force d’exercices, de gammes et de répétitions (individuelles, ou surtout collectives), nous parvenons enfin à faire sonner la guitare et jouer l’air qui nous plaît, ou lorsque, après de multiples essais, nous passons un cap déterminant dans un jeu, ou encore quand, à force de tâtonnements ou de tutoriaux, nous réussissons enfin à manipuler un logiciel complexe, pour faire évoluer notre travail plastique comme nous le souhaitons, et d’une manière qui nous est propre, qui n’était pas prévue pour cela. Dans ces situations et bien d’autres, nous prenons plaisir autant de ce résultat, que de la manière avec laquelle nous l’obtenons.
Car le plaisir de la pratique est un plaisir actif qui, même s’il s’accompagne souvent d’une finalité, ne se nourrit pas uniquement d’elle. La pratique peut bien aboutir à la production d’une forme finie (une œuvre, par exemple), elle se justifie d’abord en elle-même, ce qui pousse à sa perpétuation (pour le plaisir qu’elle procure) et à son amélioration (afin d’être encore plus agréable). Toute récompense, obtenue en cours de pratique ou visée par celle-ci s’apparente finalement à une justification de la pratique effectuée et un prélude à une nouvelle pratique. Le résultat promis est à la fois source de motivation et prétexte à la mise en œuvre d’un processus de création, qui impose souvent ses propres nécessités.
Pratiqués/pratiquants
Analysant la pratique « ordinaire » de la musique, Marc Perrenoud (2007) décrit[19] ce qui arrive lorsqu’on passe de « musiqué » à « musiquant ». C’est parce qu’on aime la musique, les concerts et tout l’univers qu’on leur associe (à tort ou à raison), c’est-à-dire parce qu’on est « musiqué » qu’on peut avoir envie d’apprendre la guitare pour jouer ses morceaux favoris, pour impressionner ses ami(e)s, voire pour faire des concerts, mais alors la régularité requise pour parvenir à ces objectifs fait généralement glisser cette activité vers une pratique dotée de ses propres règles et usages, et transforme un plaisir médié en un plaisir immédiat, hic et nunc, un plaisir spécifique résultant de la pratique de cette pratique : on a envie de jouer de la guitare pour retrouver les sensations que l’on ressent quand on en fait, pour se remettre dans une situation familière, que l’on maîtrise, voire adopter la position des musiciens qui nous ont musiqués, en devenant « musiquant » à notre tour. Or, on peut se demander si ces deux positions (voire dispositions) ne se rencontrent pas à l’intérieur d’autres pratiques, notamment artistiques, dans lesquelles on est pratiqué (pris dans la pratique) ou pratiquant (la produisant) ; quand, par exemple, de joueur respectant les règles, on devient celui qui les détourne puis en invente d’autres ; ou quand, au lieu de se limiter à déclencher une installation interactive, on essaye de réagir à ses interprétations de nos réactions…
Le plaisir découle d’une activité propre au champ dans lequel il s’exprime : c’est d’abord le plaisir de s’y sentir intégré, en en respectant les codes et les règles (en en acquérant les habitus, pour reprendre Bourdieu), bref, en étant pratiqué par le champ et en se rendant à l’illusio (par définition involontairement, mais est-ce toujours le cas ?). C’est ensuite celui de questionner les pratiques « naturelles » du champ, puisque cela ouvre de nouvelles possibilités de jeu et donc de nouvelles sortes de plaisirs, plus faciles à développer selon ses propres goûts, et parce que cette prise de liberté est aussi un signe de maîtrise propre à valoriser le pratiquant dans son champ. C’est ainsi que certains artistes peuvent opérer des détournements technologiques contre-nature, en transformant par exemple un jeu de destruction généralisé (Kill’em all) en une balade quasi métaphysique dans un décor vide (Métropolis de Tobias Bernstrup, 2002).
Comme l’a expliqué Nathalie Heinich (1998) à propos de l’art contemporain, la transgression est précisément un marqueur de la pratique artistique, le jeu de l’artiste consistant à remettre en cause les traditions, c’est-à-dire les règles préétablies, tout en veillant à ne pas dépasser certaines limites pour que sa provocation soit reconnue, qu’elle reste compréhensible et qu’elle puisse être diffusée (Becker, 1988). N’est-ce pas en cela qu’il peut y avoir « contamination » de la pratique, en s’appropriant la démarche appropriative des artistes ? En faisant jouer les spectateurs, l’interactivité serait un moyen de leur en faire éprouver les limites, pour qu’ils puissent les transgresser et expérimenter à leur tour la créativité impliquée par la pratique du détournement[20].
Conclusion
Une des conditions d’existence et de perpétuation de la pratique est la possibilité d’y prendre du plaisir, ce pourquoi une certaine part d’illusio est nécessaire. Mais cela ne signifie pas pour autant que toute pratique soit contenue dans ses conditions de mise en œuvre, c’est-à-dire, dans le cas qui nous intéresse, dans les modes d’emploi accompagnant les technologies. Au contraire, le passage de la consommation à la pratique est toujours celui d’une appropriation et d’un détournement, que ce soit par les artistes, les interprètes, ou même les spectateurs.
Et c’est bien cela qu’à voulut dire Jaques Rancière dans son livre Le spectateur émancipé (2008) : il est à la fois inutile et improductif de prétendre (avec toute la condescendance que cela suppose) émanciper les spectateurs. Ceux-ci sont tout à fait capables de le faire par eux-même, et c’est ce qu’ils font le plus souvent, ne serait-ce que parce qu’ils ne comprennent pas toutes les intentions des artistes, pas plus qu’ils ne savent convenablement utiliser les technologies. Mais ceux qui insistent finissent toujours, à force d’usages répétés, par développer une pratique qui, même imperceptiblement, leur est propre, et d’où ils peuvent tirer au moins un minimum de plaisir.
Bibliographie
Barthes Roland (1957). Mythologies. Seuil, Paris.
Becker Howard S. (1988). Les mondes de l’art. Flammarion, Paris.
Bosseur Dominique et Jean-Yves (1999). Révolutions musicales, La musique contemporaine depuis 1945. Minerve, Paris.
Bourdieu Pierre (1980). Le sens pratique. Éditions de Minuit, Paris.
Couchot Edmond (1988). Images. De l’optique au numérique. Hermes, Paris.
Danto Arthur (1981). La transfiguration du banal. Seuil, Paris.
Deforge Yves (2001). postface à Du mode d’existence des objets techniques, Aubier, Paris.
De Duve Thierry (1989). Au nom de l’art. Éditions de Minuit, Paris.
Eco Umberto (1965). L’œuvre ouverte. Seuil, Paris.
Goodman Nelson (2005). Langages de l’art : Une approche de la théorie des symboles. Hachette, Paris.
Heinich Nathalie (1998). Le triple jeu de l’art contemporain. Éditions de Minuit, Paris.
Lévi-Strauss Claude (1962). La pensée sauvage. Plon, Paris.
Perrenoud Marc (2007). Les musicos, enquête sur des musiciens ordinaires. La découverte, Paris.
Pelé Gérard (2002). Art, informatique et mimétisme. L’Harmattan, Paris.
Perrenoud Marc (2004). Frank Zappa ou le « fait musical total ». Vol. 3, n° 1, http://volume.revues.org/2057
Perrenoud Marc (sous la dir. de) (2006). Terrains de la musique, approches socio-anthropologiques du fait musical contemporain. L’Harmattan, Paris.
Rancière Jacques (2008). Le spectateur émancipé. La fabrique, Paris.
Simondon Gilbert (2001 ; 1re édition 1958). Du mode d’existence des objets techniques. Aubier, Paris.
Teyssèdre Bernard (1977). Ars ex machina. L’art logiciel/visuel à combinatoire automatisée. Ses exploits, ses mythes, L’ordinateur et les arts visuels, dossiers Arts plastiques n° 1, éditions CERAP & Centre Pompidou, p. 20-36.
[1]. Selon la définition du Robert.
[2]. Voir l’analyse détaillée du début de la modernité au XIXe siècle en France que fait Bourdieu dans Les règles de l’art (1992), Seuil, Paris.
[3]. Comme si le palier de discrimination sonore était nécessairement d’un demi-ton, comme si un morceau devait forcément être construit de manière linéaire…
[4]. Pour en savoir plus et voir de nombreuses partitions historiques, lisez l’ouvrage de Dominique et Jean-Yves Bosseur (1999) ou allez voir des exemples contemporains sur le laboratoire de L’Autre musique.
[5]. On peut penser au travail de Jodi sur les spécificités du réseau et l’implacable fonctionnement des algorithmes (parfois jusqu’à l’absurdité), à l’exploitation par Marc Plas des défauts de compression numérique… Ou, avant cela, aux larsens vidéo utilisés par Nam June Paik.
[6]. À la fondation Cartier, à Paris, du 29 novembre 2002 au 30 mars 2003.
[7]. De même que le démontage/remontage est un passage obligé du bricolage.
[8]. Travail qui consiste à produire des algorithmes synthétiques automatisant des processus complexes.
[9]. Ainsi que Barthes (1957) le disait des mythes, signes au second degré vidant des signes précédents de leur signification mais pas de leur efficacité, celle-ci soutenant la nouvelle signification qu’ils véhiculent.
[10]. C’est le cas dans la musique classique, mais aussi, de manière plus évidente, dans l’interprétation des « standards » de jazz.
[11]. Notamment par Aristote.
[12]. « […] l’interactivité […] est ce par quoi toute actualisation, qui est le seul mode d’accès directement sensoriel à l’œuvre, est en même temps un mécanisme de la privation de toutes les autres occurrences possibles de l’œuvre […] » (Pelé, 2002, 22).
[13]. Voir les nombreuses vidéos détournant les objectifs de GTA pour, par exemple, sauter du point le plus haut du jeu.
[14]. En posant ses doigts entre les frètes de la guitare, par exemple.
[15]. Par exemple, en battant un rythme sur la caisse de la guitare.
[16]. Comme lorsqu’on joue de la corde à linge. Cette pratique est passée à la postérité avec l’invention de la « contrebassine », contrebasse artisanale utilisée dans le rockabilly, constituée d’une corde accrochée à un manche à balais et à une bassine, celle-ci faisant caisse de résonance.
[17]. Quand, par hasard, nous faisons vibrer la corde à linge et que nous en apprécions le son, au point d’avoir envie d’en jouer.
[18]. Ainsi de l’enfant qui, jouant au cheval avec un bâton, sait qu’il attribue une fonction à cet objet et jouit de son pouvoir d’imagination et de la maîtrise que cela lui donne sur ses propres fantasmes (Danto, 1981).
[19]. En s’appuyant sur le livre de Gilles Rouget, La musique et la transe (1990), Gallimard, Paris.
[20]. Ces détournements sont aujourd’hui si fréquents qu’ils sont un aspect à part entière de toute pratique peu ou prou liée à l’art. Perrenoud (2007) montre ainsi qu’une telle réflexion est largement répandue chez les « musicos », mais qu’elle prend des formes différentes selon qu’ils interprètent de la musique classique ou contemporaine, qu’ils reprennent des standards de variété, qu’ils jouent des morceaux pour d’autres ou qu’ils développent leurs propres compositions.
Les chantiers de L’Autre musique Laboratoire
Le laboratoire L’Autre musique est associé à l’ACTE, UMR 8218 Paris1 Panthéon_Sorbonne/CNRS, équipe Musique et Arts Sonores.
Le laboratoire de L’Autre musique propose plusieurs ateliers de réflexions et d’échanges pour lesquels les artistes, les musiciens et les chercheurs peuvent proposer une participation.
Ces chantiers n’ont pas pour fonction de mettre en avant des pratiques individuelles, mais souhaitent proposer et partager des pistes de réflexion utiles à la pratique artistique. Les sujets abordés sont accompagnés généralement d’un questionnaire qu’il faut prendre le soin de rédiger. Les réponses sont soumises au comité scientifique et artistique de L’Autre musique.
Les réponses retenues sont publiées dans le laboratoire et peuvent être diffusées sur les autres sites de L’Autre musique. Les réponses sont sélectionnées en fonction de la qualité de la réflexion proposée et de la pertinence de la proposition artistique dans les domaines de l’art contemporain et des arts sonores par rapport au problème abordé. Les artistes, les musiciens et les chercheurs peuvent proposer plusieurs réponses à un même thème, ou répondre ou poursuivre à une proposition qui a été publiée.
Noise#Boussuge Maxime#Torpeur
1 Comment décririez-vous ce bruit ?
C’est un assemblage de quatre bruits pour illustrer le lien entre bruit et plaisir.
— Un discours de l’armée française sur la récente opération au Mali étouffé comme une télévision dont on baisserait le volume.
(donc plaisir de contrôler le bruit)
— Une rythmique saturée qui prend le dessus et s’étend sur le morceau comme un bruit dansant.
(ici, plaisir de transformer le son en le saturant et plaisir de la danse)
— Un cri de joie : « C’est les vacances », c’est le moment où personne ne nous dira d’arrêter de faire du bruit.
(plaisir de crier)
— Un sample d’un morceau de Tal (chanteuse de r’n’b français à textes crétins) qui est déformé comme pour se venger d’un bruit de fond irritant.
(plaisir de se venger)
2 Le bruit est-il une notion pertinente dans votre travail sonore ou musical ? Pourquoi ?
Oui, dans le sens où il permet d’amener des événements inattendus dans un environnement sonore prévisible. Il y a aussi certains bruits qui disparaissent (je pense notamment au bruit du modem 56k) et qui, enregistrés, ont une forte puissance évocatrice due à leur rareté.
3 Pensez-vous que l’avenir de la musique se trouve dans les bruits ? Je vois les bruits comme un grand réservoir de matière sonore et de jeu ; d’une certaine manière, c’est inépuisable. D’autre part, il me semble que les nouvelles technologies sont de plus en plus silencieuses dans leur fonctionnement (elles provoquent donc moins de bruits). Par contre elles peuvent occasionner des bugs amusants. Le design sonore prend de plus en plus de place dans le quotidien, cela peut être aussi une source d’inspiration.
Bio: Actuellement étudiant en école de commerce, je pratique la musique depuis plusieurs années avec un ami, par plaisir. Ce n’est que très récemment que j’ai voulu donner un nouveau sens à cette passion, à la suite d’une fracture du coccyx.NOISES#Nicolas MARTY#Nibelheim
Nibelheim (mention d’honneur au concours Destellos 2014).
*Questionnaire :
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Comment décrieriez-vous ce bruit ?
D’abord, les battements de l’éther. Apparaissent en filigrane des groupes d’insectes acousmatiques. Les perturbations qui viennent au premier plan révèlent que ce n’est pas un paysage naturel mais bien un montage. La forme se poursuit vers une exploration de rapports de déclenchements de fenêtres, plus ou moins réminiscentes (mélodies, paysages sonores, etc.) pour finir sur un passage qui se densifie jusqu’à s’absorber lui-même.
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Le bruit est-il une notion pertinente dans votre travail sonore ou musical ? Pourquoi ?
Dans une certaine mesure seulement : il ne me semble pas nécessaire d’utiliser le mot « bruit » autrement que dans son acception acoustique (à savoir qu’un bruit est un son sans périodicité interne. Dès qu’on l’utilise dans le cadre de la musique ou de la perception, il me semble que c’est soit pour des musiques qui se revendiquent de ce type de son, soit pour porter des jugements de valeur (négatifs) sur des sons ou des musiques qui nous gênent.
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Pensez-vous que l’avenir de la musique se trouve dans les bruits ?
Si on entend par là l’extension du domaine sonore de la musique pour que les sons bruités obtiennent un rôle qui dépasse l’accompagnement de type batterie/percussion d’orchestre classique (c’est-à-dire comme fond rythmique ou ponctuation), alors oui, entièrement. Si on entend par là l’utilisation exclusive des sons bruités, ou même leur utilisation privilégiée, alors non, pas nécessairement. Tout l’intérêt est dans la possibilité d’ utiliser l’ensemble des sons à notre disposition en fonction de nos envies et de nos besoins. L’avenir est surtout dans l’ouverture de l’écoute à des structures qui demandent une adaptation consciente de la part des auditeurs — quel que soit le type de sons utilisé.
……………………………………………….. *Bio Nicolas Marty (né en 1990) est doctorant en musicologie à l’université Paris-Sorbonne, chargé de cours en informatique musicale à l’université Bordeaux-Montaigne, titulaire d’une licence de psychologie de l’université Paris 8, et étudiant en harmonie-contrepoint, composition instrumentale et composition électroacoustique au conservatoire de Bordeaux. Site : http://marty.nicolas.chez.com.NOISES/ Adam Lwo/ Evening Ceremony
1. Comment décririez-vous ce bruit ?
Le concert des journaux télévisés européens. Le journal télévisé du soir forme un bruit familier qui accompagne les repas des familles.
Les informations formatées, souvent répétées de multiples fois, que déversent les chaînes d’informations et les journaux télévisés génèrent un bruit continu, une sorte de bourdonnement frénétique qui accompagne le quotidien de chacun. L’œuvre « Evening Ceremony » correspond aux 4mn33 du début des journaux télévisés des 27 pays de l’Union européenne enregistrés simultanément le jour de la fête des Morts le 2 novembre 2012.
Au-delà de la critique d’une certaine forme d’information délivrée par les journaux télévisés, il s’agit d’engager un débat sur le discours inaudible de l’Union européenne auprès des peuples qui la composent.
2. Le bruit est-il une notion pertinente dans votre travail sonore ou musical ? Pourquoi ?
Oui, le bruit fait partie de mes sources de composition. Je pense que nos sens et notre culture se construisent aussi à partir des bruits qui nous environnent, des bruits qui nous sont familiers, d’autres qui nous surprennent, des bruits agréables ou des bruits qui nous dérangent. Je me sers des bruits pour souligner ces interactions, soit pour évoquer un environnement ou une situation particulière, soit pour provoquer certaines sensations.
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New Writings on Sound and Music # Clara Maïda
1/Fluctuatio (in)animi – œuvre musicale pour flûte, violon, alto, violoncelle, contrebasse et électronique
Enregistrement du concert de création à l’Akademie der Künste de Berlin le 25 novembre 2006. KAMMERENSEMBLE NEUE MUSIK BERLIN. Honorary Mention au PRIX ARS ELECTRONICA 2007. Publié sur le CD monographique in corpore vili (DAAD et Edition RZ, Berlin, 2010. Distribution française : label Metamkine).
2/ Kinêm(a) – dessin
Comment décrieriez-vous cette forme d’écriture du sonore et/ou du musical ?
Je suis fascinée par tous les sons mécaniques, industriels, par la richesse de leur sonorité et par leur qualité irrépressible et leur fonctionnement autonome, imperturbable.
Les deux types d’écriture que j’utilise pour mes créations (musicale et graphique) sont étroitement connectés, mais ils ne sont pas systématiquement associés pour une œuvre donnée. Ils se réfèrent plutôt à la pensée artistique qui sous-tend chacune de mes créations.
Le schéma ou le dessin n’est pas destiné à produire du bruit. La musique n’est pas destinée à évoquer une production visuelle. Mais c’est un même réseau de connexions nombreuses et très imbriquées qui infiltre les deux médiums artistiques et qui est à la source des processus sonores et visuels que j’imagine. C’est mon intérêt pour les rouages, les assemblages d’unités extrêmement minimales qui est à l’origine de la recherche de mécaniques visuelles, d’un côté, et de ces mécanismes sonores « hybrides », entre le mécanique et l’organique (ou presque animal) d’un autre côté.
Les deux créations proposées ici (une œuvre musicale, Fluctuatio (in)animi, et une œuvre graphique, Kinêma) sont représentatives de cette parenté structurale entre mes créations musicales et graphiques.
J’ai nommé mon écriture musicale une « nanomusique », mais je pourrais également nommer mes productions visuelles des « nanographiques ». C’est l’articulation d’éléments infimes qui produit une globalité très complexe, dense et évolutive.
Le bruit, c’est ce qui pourrait être produit, ce que l’on entend ou imagine à chaque niveau local de connexion.
Comment, selon vous, votre proposition peut-elle être interprétée ?
– Fluctuatio (in)animi (œuvre musicale)
On peut y entendre le bruit que fait le corps, tout corps (un ensemble complexe de composés), qu’il soit organique ou artificiel et mécanique. C’est comme si une sorte de microphone virtuel était placé au coeur d’une machine en activité ou au centre des organes vitaux ou du cerveau.
La pièce est d’ailleurs la 1ère partie du cycle de pièces Pyché-Cité/Transversales qui propose une réflexion sur la parenté structurale entre le réseau métropolitain et le réseau cérébral (un même système connectif).
L’auditeur a l’illusion d’être inséré (enserré) dans un immense agencement dont il entend les multiples sons de chaque infime mouvement qui participe à cette collectivité.
Noises# Juan Vasquez# Landscape Collage 4 (2013)
1. Comment décrieriez-vous ce bruit ? How would you describe this « noise »?
C’est une pièce d’art sonore (classique et contemporain) composée pour le The Hilltown New Music Festival, Juillet 2013 à Castlepollard, Co. Westmeath (Irlande). Inspirée par la citation de Pierre Schaeffer « Le son est le vocabulaire de la nature » et créé par la manipulation et le traitement d’un field recording enregistré à Cali, en Colombie.
Sound Art (classical contemporary) piece composed for the Hilltown New Music Festival, July 2013 at Castlepollard, Co. Westmeath (Ireland). Inspired by Pierre Schaeffer’s quote « Sound is the vocabulary of the nature », and created by manipulating and processing a field recording taken in Cali, Colombia.
2. Le bruit est-il une notion pertinente dans votre travail sonore ou musical ? Pourquoi ? The noise is there a relevant concept in your sound or musical work? Why?
Le bruit est primordiale dans ma composition. Il y a une dé-construction progressive du field-recording, jusqu’à l’obtention d’un bruit blanc, puis, une reconstruction et une remonté vers l’état initial. Lire la suite →
Pahou Wahou
PahouWahou est un jeu collectif pour faire sonner d’autres musiques, inventer de nouvelles mélodies et changer d’histoires…
Il s’agit de « refaire le monde », comme on le fait autour d’un apéro ou d’un feu de camp, mais exclusivement avec des sons (on n’interdit pas de refaire le monde autrement par ailleurs…).
Pour cela, chaque équipe (entre 2 et 4) tire les cartes qu’elle interprète selon son « bon plaisir » (comment on veut, selon son inspiration,
ses souvenirs, ses envies…), aidée des règles ci-dessous. L’ensemble forme plusieurs compositions sonores (une par équipe) qui sont jouées en fin de partie.
Le jeu a été imaginé et conçu par Hélène Cœur, Frédéric Mathevet, Célio Paillard et les élèves de la classe de CE2-CM2 de l’école Le Vau.
C’est l’un des projets pédagogiques du programme Petites Histoires de Frontières, proposé par Khiasma et soutenu par la Fondation de France, la Ville de Paris, l’OPH – Paris Habitat.
Il fait partie de la saison 2013-2014 de Mythologies, plate-forme de projets soutenus par la Caisse des Dépôts et des Consignations.
Il est joué dimanche 15 juin lors de la Fête des fougères, dans le square Léon Frapié (Paris 20e).
Vous pouvez également y jouer chez vous en téléchargeant :
– les plateaux,
– les cartes,
– les règles du jeu,
et en construisant vous-même votre « Grand Cluster ».
Noises # Chris Mann# In the Shadow of the Sun
In the shadow of the sun from chris mann on Vimeo.
1. How would you describe this « noise »?
In the shadow of the sun is the third part of a series of works I made in 2012. The piece documents the ideas and experiments that arose following a week in May spent walking the costal path in Cornwall.
The audio was recorded and mixed between 11/06/2012 and 20/06/2012 and is built from recordings of a number of improvised sessions using bowed cymbals, prayer bowls, field recordings, cello, voice, plastic bottle, bamboo whistle and autoharp. The recordings from the sessions were then subjected to extensive digital sound processing to create the final piece.
The accompanying video and images are built from film clips and photographs taken during the week in Cornwall.
2. Is there a relevant concept in your sound or musical work? Why? Lire la suite →
Noises# judsoN# Migration
(click on the image to watch the video)
1. How would you describe this « noise »?
The question of what (human) listeners decide is noise and what is music is a central topic in this recent work. While, the audio scene in a subway station would usually be described as noise, and yet notes (which adhere to the overtone series) performed by an orchestra are easily deemed musical. In this piece, a computer analyzes a recording of a noisy subway station, determining the frequencies present in each moment for each complex wave. These frequencies are converted into pitches. Within the computer, a virtual ensemble (flute, guitar, cello, piano, drum) performs the pitches that would ordinarily comprise the complex wave of the original « noise ». Is the composition music or noise?
2. The noise is there a relevant concept in your sound or musical work? Why?
NOISES# Ed Fish# For dead children and live electronics
Cette pièce s’appuie sur des données recueillies par Wiki-fuites et iraqbodycount.com sur le nombre de civils tués lors de la guerre en Irak à Sonify. J’ai utilisé ces données pour déterminer les variables d’un algorithme de synthèse granulaire pour créer un environnement sonore « bruitiste ». Chaque bruit correspond à une vie perdue, 10340 au total.
Le bruit est souvent considéré comme négatif, soit comme un sous-produit de la composition musicale, soit comme un spectre venant brouiller des informations à transmettre. Cette composition montre que le bruit peut signifier quelque chose. Et le fait que le bruit nous empêche d’entendre chaque évènement sonore individuellement peut se mettre en parallèle avec la difficulté pour nous d’évaluer émotionnellement ces statistiques.
Je ne crois pas que le bruit soit l’avenir de la musique, mais il peut agir comme un outil pour créer des textures et des formes aléatoires intéressantes.
NOISES#Stephan Probst#Quietschfidel
Comment décrieriez-vous ce bruit ? How would you describe this « noise »?
Quietschfidel was composed as a Harsh Noise soundtrack to Subrealic’s silent video Millennium Loops. It’s supposed to stand in direct contrast to the visuals, which show people attending street festivals and dancing to music that is obviously very different from the sound that can be heard. I wanted to ask the question: “What would be different in society, social structures, fashion if these people where dancing to this Noise Music?”
Le bruit est-il une notion pertinente dans votre travail sonore ou musical ? Pourquoi ? The noise is there a relevant concept in your sound or musical work? Why?
The general consensus seems to be that Noise Music as a genre is mostly about live performance and improvising, of breaking, or at least existing outside of, conventional musical forms, practices and sensibilities. I’m interested in using the unlimited sonic palette that noise offers in a somewhat more deterministic way, using it to bring a free, liberated, unbiased range of possibilities to more traditional composing techniques. I’m hoping this will enable me to tell original stories, to inspire imaginations in a way that opens possibilities of engagement with listeners and their ideas. Lire la suite →