Sélections Rencontres Musique Acousmatique et Danse Buto
Le comité scientifique et artistique s’est réuni le 17 juin pour finaliser le programme des concerts et des performances de » En chair et en son : premières Rencontres internationales Butō et musique acousmatique « , organisé par AEA (Aventures électro-acoustiques), L’Autre musique, Motus (Compagnie Musicale), EsPAS (Esthétique des arts de la performance_ ACTE Paris 1 Panthéon Sorbonne/CNRS umr8218) et qui se déroulera au Cube, centre de création numérique les 23 et 24 octobre 2015 à Issy-les-Moulineaux.
Le comité de sélection a choisi selon des critères qui ne remettent absolument pas en question la qualité artistique de vos propositions. Il a été sensible :
- à toutes les propositions qui prenaient en compte les singularités de ces rencontres : la diffusion spatialisée sur acousmonium d’une part, et la conception chorégraphique en résonance avec cette spatialisation d’autre part ;
- à toutes les démarches ‘ouvertes’ qui ne partaient d’aucun présupposé à propos de l’un ou l’autre des champs convoqués : ‘acousmatique’ et ‘buto’. Au contraire le comité de sélection a privilégié les démarches ‘questionnantes’ qui pourront apporter des approches multiples et des problématiques enrichissantes pour tous et qui pourront se déployer dans une démarche exploratoire lors des moments de résidence ;
- à prévoir un programme riche et varié permettant d’ouvrir un horizon large sur des pratiques de la musique acousmatiques comme de la danse Butô.
Il va de soit que certaines considérations techniques liées à l’espace qui accueille ces rencontres , à l’organisation et à l’enchaînement très pragmatique des différents concerts ont été aussi prises en compte dans le choix définitif des projets.
Propositions de duo:
Compositeurs | Danseurs |
JB Favory | Elizabeth Damour |
Jules Wysocki | Cale Miranda |
Blas Payri | Hélène Barbier |
Marco Marini | Annie Nguyen LAM |
Florent Colautti | Lisie Philip |
Gwenaëlle Roulleau | Sophie Cournede |
Katrina Burch | Brigitta Horvath |
Charles Platel | Denis Sanglard |
Lissa Meridan | Thibaut Cora |
Eric Broitmann | Sakurako |
Paul Ramage | Diana Trujilo |
Hélène BARRIER
Forme Persistante from Hélène BARRIER on Vimeo.
La danse butoh est, par essence, le lieu de la perpétuelle métamorphose, où l’on recherche, par le corps et par l’imagination, sans cesse de nouveaux chemins à parcourir. Elle est la danse qui permet de se glisser dans toutes les matières, dans toutes les peaux, et selon les lieux, d’adapter, ou non, sa danse à l’environnement, que ce soit avec l’espace, avec les autres corps, avec les sons (musique live ou enregistrée, bruits d’ambiance, etc..).
Jean-Baptiste FAVORY, UNISONO III
UNISONO III est une transcription sonore d’UNISONO II. Il s’agit donc toujours de la même partition mais adaptée cette fois à 8 instruments virtuels (flûte, hautbois, cor Anglais, violoncelles, violon et alto). Les instruments virtuels sont ici poussés jusqu’à leurs limites, atteignants des fréquences et des vitesses impossibles à atteindre dans la réalité… Les frontières entre l’acoustique et l’électronique sont ici effacées. Il s’agit d’une forme de synthèse acoustique où les instruments tentent de sonner comme des synthétiseurs.
Gilles MONFORT, Quetzalcóatl
Quetzalcóatl évoque un voyage chamanique, où le divin est arbre, pierre, vent, insecte… tout autour de nous. Lumière, mouvement, perpétuelle et cyclique transformation des choses.
L’Homme est à sa place, minuscule, un des acteurs innombrables de ce monde, si vaste que la magie peut s’y déployer à visage découvert. La musique étant profondément organique, le lien avec le corps dansant est très direct et fusionnel, de sorte qu’il devient indécomposable, tel la synesthésie offerte par un rituel chamanique.
Jules Wysocki, Léviathan
Idéalement, j’aimerais que cette masse sonore évolutive puisse être incarné par le danseur. J’aimerais que cette masse puisse jaillir directement du corps du danseur. J’aimerais que l’auditeur/spectateur puisse ressentir et localiser ce jaillissement.
Pour se faire, plutôt que d’utiliser l’acoumsonium pour ces caractéristiques immersives (avec de nombreux haut parleur ouvert en même temps), j’aimerais au contraire l’utiliser pour que le son puisse suivre et épouser les mouvements et déplacements du/des corps dansant. Cette masse, « ces voix puis cette voix », serait alors ramenée à l’échelle humaine.
Si le danseur évolue sur scène, j’aimerais n’utiliser que les hauts-parleurs les plus proches de son corps en éteignant tous les autres. L’idée étant de créer de petits halos de son, accompagnant les mouvements de corps.
Blas Payri, Espill d’espai ou Essor mélancolique (à choisir par le danseur ou la danseuse)
Cette pièce a été composée expressément pour ces rencontres Butō et musique acousmatique. Le titre « Espill d’essai » ce traduit du catalan comme « Miroir d’espace », et se réfère a une transformation déformante des sons, une évocation déformée de la voix humaine, en suivant une des idées originelles de la danse Butō.
Les sons de cette pièce ont été générés à travers d’un outil programmé par le compositeur (un patch Max/MSP) qui combine la synthèse soustractive avec d’autres moyens de contrôle du son.
Dans la composition se combinent des éléments qui s’inspirent de la musique japonaise pour la scène, à savoir la ligne horizontale évolutive entrecoupée par des attaques brèves. Les évolutions sont lentes, et se basent sur l’évolution de masse et de densité spectrale (souvent utilisant des sons cannelés), l’utilisation d’allures, et l’utilisation du mouvement dans l’espace comme part intégrante du langage de composition. L’idée est de concevoir un style de « expressionnisme acousmatique », sans références culturelles spécifiques, qui puisse servir de support à la danse sans devenir protagoniste.
L’utilisation d’un acousmonium peut permettre une diffusion en fonction de l’évolution des timbres mais aussi pour spatialiser: dans ma conception (qui reste ouverte), la distribution des haut-parleurs devrait se faire autour du danseur et aussi des spectateurs, pour faire participer de la tension qui surgit de la musique. Le lien est une version stéréo (binaural) mais la pièce a été conçue en multipistes.
Cette pièce a été composée expressément pour ces rencontres Butō et musique acousmatique (tout comme l’autre pièce intitulée «Espill d’espai»). Le titre se réfère aux vers de Verlaine:
« Mouette à l’essor mélancolique, Elle suit la vague, ma pensée… »
Dans cette pièce, les évolutions sont lentes, en progression continue, générant des progressions de masse qui sont entrecoupées de parties silencieuses où les sons se raréfient. Les sons utilisés sont « impurs », avec du grain et du bruit coloré, évitant une sonorité trop propre et lisse qui ne siérait à l’esthétique butô.
Marco Marini, Silence Clair-Obscur
Le silence n’existe pas en tant que phénomène sonore car il y a toujours vibration de l’air. Symboliquement, il représente la toile de fond, la « page blanche » du compositeur. Composer de la musique est-ce ajouter des événements sonores, ou soustraire du silence ? Car si celui-ci est continu, peut-on lui accorder une notion d’épaisseur ? Clair : bruit noir. Sombre : bruit blanc … la part de silence contenue dans le son ou le « silence-qualité », l’épaisseur silencieuse… L’air… Si le vent ne rencontrait aucun obstacle dans son parcours, il serait probablement silencieux. Solitude, « silence-absence », vide, silence de mort. La mort est-elle silencieuse ou n’est-ce que l’être mort qui finit par le devenir ? Tout phénomène sonore retourne inexorablement au silence duquel il a surgi… « Silence, on tourne »… Le rythme : une succession d’événements et de silences dont les espacements et les durées lui confèrent le caractère. Tension-détente, suspense… Le « silence-action » en tant que note, vécu comme pleinement musical, dramatique, habité…
Elisabeth Damour
Un corps qui danse est sonore : du cri au chant, il cogne ou glisse éprouvant ses limites. La musique acousmatique faite « de bruits » dont on ne peut en « voir la source » est inspirante pour cette danse qui invite à des décentrages : le corps est dans une temporalité différente et il se spatialise autrement. Ainsi, musique, sons, évocations sonores ont leur place.
Diana Trujillo
Car le corps du danseur de Butoh n’est plus appréhendé pour sa seule forme, mais il est sollicité comme réceptacle d’une mémoire ; celle consciente et inconsciente du danseur, et celle qui existe en latence chez chacun. Le danseur restitue la vie qu’il va puiser dans son corps, matrice du monde qui devient macrocosme de mémoires amoncelées dans lesquelles s’entremêlent naissance et mort, joies et désarrois profonds… Tout le matériel dont on bâtit l’humanité. Cela explique le rejet du Butoh des canons esthétiques traditionnels qui suppriment l’imparfait, le malade, le laid…
Par ailleurs le Butoh part d’un postulat tout à fait nouveau: il pose un étonnement profond face au corps : le corps n’est plus masse uniforme projetée dans l’espace, mais réseau, matière à modeler au sein de laquelle les tensions, les éruptions et les tragédies s’organisent, se font, se défont à même la chair. Les appuis s’étendent à toutes les parties du corps jusqu’alors négligées, les articulations se nouent, la silhouette se renverse, le corps entre en métamorphose.
Sophie Cournède
L’espace habillait de sonorité enveloppe mon corps matière, qui spontanément, peut figurer l’environnement sonore et ma peau devient sujet ou partition. Je ressens le son s’entrechoquer sur la surface de ma peau. La couleur des différentes résonances ondule mon corps et le secoue par ses aigus et ses graves. Répercussion dans mon corps qui telle une caisse de résonance charnelle vibre de l’intérieur vers l’extérieur. Le butô est une danse de l’instant, une danse du ressentir. Le lieu, l’espace, le son et tous les sens du danseur sont en éveil, c’est ainsi que la danse s’exprime par le biais de ses sens en profonde réceptivité.
Florent Colautti, Capture
La pièce se compose de prises de sons effectués sur des objets sonores excités et/ou contrôlés par un dispositif électronique (vitesse de rotation des pales de sirènes commandées numériquement, vibreurs sur tambours, moteurs rotatifs qui viennent frottés le bord de cymbales,…).
Ce travail de création de la matière sonore propose une approche innovante, permettant de détourner et d’obtenir des matières musicales inédites.Par ce biais, j’ai cherché à puiser une force sonore contemporaine dans des objets traditionnels, rompre avec leur signification et leurs modes de jeux, ainsi qu’avec les qualités sonores connues.L’articulation des sons enregistrés m’ont amenés à composer une matière, une texture expressive dense et fragile, en mutation permanente. Dans une démarche plastique du son, un plongeon dans la matière et dans son « organisme vivant », je déroule une contemplation, sous la forme d’un temps élastique fait de trajectoires étirées qui engouffre l’écoute dans une tension puis dans un relâchement qui souffle un abandon dans le rêve.
Denis Sanglard
J’explore, je fouille le corps. Je l’éventre. Je me dépouille. Je m’éviscère. Ecorché, je danse avec ma peau. Je danse avec mes organes. Je danse avec mon squelette.
Je projette mon corps dans l’espace. L’espace me traverse. Je deviens l’espace. Espace paysager, espace sonore, être en interaction, toujours, cartographie mentale qui guide ma danse.
Dante Tanzi et Béatrice Gromb Reynier, Gezi Park (Le projet en développement, avec la collaboration de l’Association de corps ultimes)
La composition offre une trame narrative et inclut le son d’affrontements répartis à travers un réseau social. Park Taksim Gezi est l’un des rares espaces verts du centre d’Istanbul doit disparaître dans le cadre du Projet de piétonnisation de la place Taksim. Ce projet immobilier prévoit la reconstruction de la caserne Taksim, un bâtiment historique démoli en 1940 devant accueillir un centre commercial. Les manifestations s’intensifient à la suite de la violence de la charge de la police pour déloger un groupe occupant le parc. Les protestations se sont généralisées avec des revendications anti-gouvernementales. Le 31 mai 2013, la police réprime les 10 000 manifestants avec des gaz lacrymogènes 60 personnes au moins sont arrêtées et des centaines sont blessés.
Gwennaëlle Roulleau, Trou Blanc
J’ai composé cette pièce en pensant au corps, au corps sonore et au corps humain.
Partie de séquences de jeu improvisé, sur cymbales principalement. Choisies pour l’organique, la chair, la densité, la profondeur. Et pour le rythme, lié aux ondes cycliques, et au geste musical qui place dans le temps du mouvement.
La pièce suit ainsi le rythme de la respiration (de la vie, de l’humain). Dans une évolution lente avec toutefois des étapes distinctes, elle est tissée de cycles. Car elle évoque une traversée, le passage de la vie à la mort. Depuis l’accident, le coma, l’extinction à un « après » imaginé.
Le thème du cycle, de la métamorphose, des changements d’états, entre le vivant et le mort, le concret et l’abstrait, le matériel et l’immatériel, en écho au butô. Avec quelle danse ? Pour cette pièce sur l’intériorité, j’imagine une danse autant en états de corps qu’en mouvements. Le dialogue est à construire. J’ai proposé ici une pièce fixée, mais selon l’échange avec le danseur, je suis prête à adapter la pièce, voire à envisager un travail développé en temps réel.
Annie Lam
« Makina Voice» / Duo, entre une femme et le Système, la Machine ;sa rébellion, face à un programme qu ‘elle semble formater en remontant le temps afin d’y recouvrer sa mémoire végétale, animale, minérale, et cosmique qui constituent les véritables sens de la femme Sacrée, femme sauvage. Elle se défait au fur et à mesure de la performance de ces apparats, des images, extérieures et intérieures, pour n’être qu’émotion.
Lissa Meridan, Unsleeping unwaking unbeing unmaking
Time unfolds and refolds, our daily experiences continue in a never-ending unfurling. This piece is made of the sounds that make us and the sounds that unmake us. The wind that breathes us into being is the same that disperses our ashes at the moment of our unmaking — the same song that sings us into waking and that lulls us gently into sleep. Its sounds resonate within us and around us, writing themselves as much into this wind as into our bodies where they embed themselves deep within each of our cells. These cells are containers where the memory of each resonance is held, prisoners of our own collective sounding. I wanted to make a piece that explores the tactility of sound, each sound caressing, aggressing, transpiercing, touching the body, reaching beneath the skin and vibrating within each cell. At the same time, sound is movement, fluid and multidimensional. It envelops the body in dynamic and agonising motion, setting it into a movement that unfurls like the wings of a bird that stretch out, take flight and retract on themselves, much like the mundane actions of sleeping, of waking, of being, and of making.
Charles Platel, Mémoire d’un oeuf.
La matière sonore apporte à l’oreille une proximité sensuelle: contacts, souffles, touchers, frottements, ondulations et vibrations. Les hauteurs et harmoniques sont portées par des échelles mouvantes qu’on pourrait appeler « microtonales », mais qui en réalité sont de la nature de ce que l’oreille perçoit dans l’environnement sonore concret.
Les rythmes, lents et variables, sont aussi de nature humaine, courbes et aléatoires, selon un récitatif poétique, comme la respiration animant les phrases et la bouche la succession des syllabes.
Cale Miranda, Afro-butoh
Work long ago on the border between different cultures. I use to call my dance “afro-butoh” because in my work I make a fusion between butoh dance and the afro-Brazilian mythological dance, the dance of the Orishas. This border situation leads the public to call my butoh dance « another dance », the basis of your conference. Sometimes I hear: « This is not Brazilian dance, this is not butoh dance”. The more I hear these accusations the most I believe to be going deep into the butoh dance ideas, after all the butoh was born of many foreign influences to Japan, arrived in Europe as an exotic dance and was becoming increasingly universal.
Sakurako
Lisie Philip
Lier l’essence et le sens : c’est ce qui peut caractériser mon écriture chorégraphique.
Mon travail buto et performatif se charge de l’instant, d’allers-retours entre intérieur et extérieur avec comme point de départ la respiration, premier mouvement dansé.
Brigitta Horváth
A very open and collaborative attitude is requiered from the audience and this fact changes the qualitiy of attention which is very interesting and inspiring for me (as a listener and as a dancer as well). So the music and the accompanying dance can become a real physical experience not only esthetics for the audience. I am not interested in building up rhythmic patterns or melodies but what is behind them: to step beyond what we hear and find the source of the sound and let the body enter into conversation with this quality.
Katrina Burch, Yamantaka’s dart
Yamantaka’s dart is sound for cosmonauts; music to butō – a piece made in memory of Tina Joosten (1952-2014). As a conceptual composition, it explores the limitations of thinking time and evolution folding back onto itself. Yamantaka is a Tibetan Tantric deity, called the ‘destroyer of death’ because of their use of the ‘dart,’ or ‘lightning bolt’ of enlightenment. Enlightenment is an intensified erotic gesture in thought when coupled with embodied reason: a combination of extended compassion, brought forth through the faculties of understanding and the capacities for empathy, and a self-reflective activation of desires, brought forth with the will to imagine.
Thibaut Cora
De la même manière le corps a un nombre fini de membres, de muscles, d’os. Et tout comme la perle de verre est transformée par la mise en mouvement, le geste et le son sont « dé-naturalisés »¨ou « renouvelés » : décontextualisés, multipliés, décomposés, inversés, interrompus, morcelés, cachés…
Paul Ramage
Eric Broitmann
Il y a eu des modifications et le programme définitif est disponible ici: http://en-chair-et-en-son.fr